Je crois qu'on s'est inquiété pour moi. Mais peut être pas. Et peu importe, peu importe.
Je suis là pour vous dire que j'ai grillé un feu, dépensé 75€, pris des photos, et d'autres trucs.
Mais avant tout, on va se parler. On va se mettre d'accord sur point, comme ça plus personne ne viendra plus jamais me casser les couilles avec ça. "Absolu", c'est un mot. Ce mot à un sens, que l'on apprend ou comprend selon les situations. Si je dis "les petits pois, c'est dégueulasse", la tournure n'est pas relative, elle est absolue. On est d'accord, hein. Bon. Bah "la vie est belle", c'est une phrase de merde. Vraiment, c'est de la merde. Faut arrêter de nous la sortir à toutes les sauces. La vie n'est pas belle, je regrette. Ou alors, faut qu'on m'explique, et par la même occasion, faut qu'on explique au père de la petite fille qui a été enlevée, violée puis tuée. Nan mais vous savez quoi? Je vais louer une grande salle, comme ça on pourra inviter les handicapés (genre le mec qui passe sa vie en fauteuil et qui ne peut bouger que les yeux et un doigt), les gens qui meurent de faim, les gens qui vont mourir d'un cancer en laissant leur famille, blablabla, blablabla. Faudra juste prévoir un grand buffet quoi, parce qu'il va y avoir du monde.
Par contre, je vous arrête tout de suite. Je vous vois venir, avec vos gros sabots, prêts à me cracher à la gueule. C'est non. Je ne suis pas en train de râler. Enfin, je râle, mais je ne suis pas en train de me plaindre de ma vie. Arrêtez de dire que la vie est belle, pitié. Suffit d'ouvrir le journal ou d'aller bosser pour se convaincre du contraire. Ou de déménager. Gniark.
En revanche, ce que je vous autorise à faire (et c'est écrit devant vos yeux, comme ça le jour où je vous envoie chier, vous pouvez me glisser ça sous le nez), c'est à me dire que ma vie est belle.
Et elle l'est, c'est une certitude. Bien sûr, tous les jours j'imagine ce que serait ma vie si j'arrêtais d'être un crétin (j'y reviendrai), si j'allais consulter des spécialistes pour mes problèmes divers, si j'avais des sous, si j'avais des couilles, si j'avais un cerveau, si j'avais du temps, etc. Alors oui, imaginer tout ça, ça laisse peu de place pour placer des extensions de garantie, boire un coup avec des gens, avoir des projets... Mais c'est comme ça. Et ce n'est pas grave. Rien n'est vraiment grave. Un jour, je serai mort, et ça ne sera pas très grave. Peut être qu'un jour, un virus zombie pirate de la mort va exterminer l'être humain. Ben personne ne sera là pour se dire que c'est grave. Donc bon...
J'ai un corps en très bon état, qui semble encore fonctionner correctement (j'y reviendrai), et rien que ça, c'est une chance incroyable. Je le sais. Je peux écrire à quel point j'ai du plaisir à manger de la pizza, à sentir le parfum du chat, à voir le soleil se coucher, à écouter la musique à fond, à toucher ma bite... Ho ça va je plaisante. La vie n'est pas un cadeau. Faites pas chier. C'est comme offrir un iPad à un hamster. C'est sûr, c'est merveilleux. Mais fuck, on s'en tape, il n'a rien demandé.
Ce qui est un cadeau, c'est ce corps que j'ai. C'est cet entourage. C'est ce pays (quoi qu'on en dise). Ici, maintenant, là, je peux me plaindre d'avoir trop bien mangé, d'avoir mal dormi dans mon grand lit douillet. Je peux pester contre le chat qui m'oblige à me lever pour le nourir. Je peux répéter inlassablement que j'en ai plein le cul de me raser et d'aller bosser. Je peux. Je. Peux.
Bon bref. J'en ai fini avec ça, et j'espère que vous aussi.
Revenons-en à nos moutons.
Rien ne s'était passé comme je l'avais prévu. Mais ça, je l'avais prévu. Je m'étais posé vers le balcon et je prenais bien soin de ne pas regarder dans sa direction. Silence.
On n'avait jamais été bons pour mentir, mais on a toujours été bons pour ne pas dire la vérité. Du coup, tout ce temps, on avait déformé, éludé. Les points d'ombres allaient, petit à petit, s'illuminer, pour moi.
Quelque chose, je ne sais pas quoi, s'est produit. Elle comme moi, ou bien n'était-ce que le fruit de mon imagination, sentions que c'était la fin. La vraie. Et quand on sait que tout est foutu, rien ne sert de rester silencieux. Alors on a parlé.
J'ai eu beau lutter, ma clope au bec et mes yeux au loin, je me suis un peu retrouvé deux ans et demi en arrière. J'ai essayé de faire autrement, mais j'ai pleuré. C'était marrant, parce que je voulais vraiment faire comme si tout allait bien. Mais bon, les mots étaient choisis, pesés. Adaptés. Que je le veuille ou non, une fois de plus, elle avait raison. Il fallait qu'elle parte. J'ai hoché la tête, faisant tomber à cette occasion quelques billes de liquide salé.
Puis le silence, encore. Une inspiration de sa part, dont on devine qu'elle va se suivre par quelque chose d'important. Des mots inattendus. Une explosion incroyable. C'est à ce moment, dans les films, où on voit le personnage principal s'extirper des décombres d'un batiment qui vient juste d'être atomisé. Les débris tombent autour de lui mais il ne sent rien. Des bruits sourds parviennent à ses oreilles, et ce sifflement. Bah là, pareil. L'explosion dans ma tête. J'ai été submergé par tout le sens de ces mots, si bien que mon corps n'a rien fait de l'information; il ne sentait plus rien.
Enfin, dernière séparation. Point.
En rentrant, j'ai pris un couteau et l'ai posé sur ma cuisse. Je me suis dit que, bon, hein, ça n'allait pas me tuer et que personne n'en saurait jamais rien. Et c'est vrai, dans ma situation, personne ne va pouvoir vérifier de sitôt si j'ai, oui ou non, une coupure de quelques centimètres sur le haut de ma cuisse droite. J'ai donc posé la lame dentellée sur mon gras, et j'ai attendu. J'ai attendu de trouver le bon angle, le bon endroit. Mais j'avais beau regarder, étudier, patienter (quelques secondes), je n'avais pas envie. Je savais que ça n'allait rien changer. Je savais que je n'avais pas le droit de faire ça à mon corps, lui qui me supporte et souffre déjà pour moi au quotidien. Alors j'ai rangé le couteau dans le tiroir et je suis retourné vaquer à mes occupations.
Encore aujourd'hui, j'ai les mots qui résonnent dans mes oreilles. Par chance, peut être, "quelqu'un" n'a ni nom, ni visage, ni projet dans la vie. Il n'a pas non plus de grandes mains, ni de grosse... voiture. Il ne joue pas d'un instrument, ne s'occupe pas de chatons en détresse, rien. Il n'a pas d'existence physique, et je ne peux pas lui en vouloir d'avoir aujourd'hui presque autant de chance que moi.
J'ai cette impression de l'avoir aimée aussi fort que possible aussi longtemps que possible. Et je suis un connard pour ça. Je l'ai mal aimée. Au lieu de l'aimer fort longtemps, j'aurais mieux fait de l'aimer mieux pendant le temps imparti. M'enfin c'est fait. Et maintenant qu'elle est partie, probablement pour toujours, ça n'a plus d'importance.
Ah oui, d'ailleurs, faut que je vous parle de mon dossier Derp.
Mon dossier Derp, je l'ai, je pense, depuis 2007. Ou 2006, je ne sais plus. Quelle honte... bref. C'est "une carte de la souffrance". Dedans, tous les mp3s qui me servent à me ruiner le moral en quelques minutes. Avant, le dossier s'appelait plus judicieusement "Torture", mais je me suis dit qu'à force j'allais me faire griller. J'ai qualifié ça de "carte" parce que certains morceaux sont là pour délimiter un cadre, un peu comme si on donnait un "paysage musical", et les autres, plus personnels, font référence à des moments bien précis, bien piquants. La plupart du temps, je zappe, pour aller directement à ceux là. C'est fou le résultat qu'on peut obtenir. Ce qui me fait marrer, alors, c'est qu'en partant à 8h55 pour arriver à 9h15, j'en arrive à ne plus en avoir rien à foutre de rien vers 9h03. Autant dire que l'autre, avec ses extensions de garantie, il peut aller se rhabiller.
Tout ça, je vous le dis parce que c'est sans importance. Maintenant.
La liberté, vous savez ce que c'est? C'est juste un putain de mot. Comme "absolu" tout à l'heure. Est-ce que la liberté, c'est déclarer que ce soir on mange des frites? Ou aller au bord de la mer? Ou regarder la TV? Perso, vous l'aurez compris, je ne pense pas. Et comme je suis un chic type, je vais essayer de partager avec vous mon ressenti.
Ma Twingo, et Dieu sait que je suis vilain avec (mais un jour, je vais payer, dans un sens ou dans un autre), est confortable. Les sièges sont doux et fermes, et je ne cache que ma voiture est, depuis plusieurs mois maintenant, l'endroit où je préfère être assis. Bon là, elle sent le chien mouillé, je ne sais pas pourquoi, mais quand même, elle est sacrément confortable.
Il y a plusieurs années, j'ai dit à ma mère que je ne voulais pas acheter une poubelle (à l'époque, je n'avais pas de voiture) parce que je pensais rouler beaucoup avec. Puis j'ai prouvé que j'avais eu tort, et là, depuis que je suis à Brest mais c'est encore plus vrai depuis que je fais de la photo, je suis en train de prouver que j'avais raison. C'est simple, je prends la voiture sans savoir où je vais. J'ai de l'argent, j'ai de l'essence. Je roule. J'écoute de la musique. Je regarde à gauche, je regarde à droite. Je roule.
Et donc, pour en revenir à la liberté, voilà ce qui m'a touché. Un jour, j'étais en route pour la belle banlieue parisienne que j'aime tant. Ayant déjà quelques centaines de kilomètres dans les roues, je me suis posé sur une aire d'autoroute pour soulager ma vessie et acheter un sandwich. Le casse-croute en main, je suis me suis assis dans la voiture, et j'ai laissé la portière ouverte. Le soleil venait réchauffer mes joues carressées par le vent frais. Je machouillais, la tête vide. Au loin, quelques voix de vacanciers, et, de l'autre côté, le bruit des voitures sur l'autoroute. A cet instant très, très court, j'ai senti la liberté.
Je n'étais plus loin, je n'étais plus proche. J'étais nulle part. Je n'avais plus de chat à nourir, plus de loyer à payer, plus de meuble, plus de boulot à la con de sa putain de race (oula, je m'emporte), je n'étais plus inutilement triste depuis des mois par ma faute, je n'allais plus en banlieue pour (n')y voir (qu')une partie de ma famille. Plus rien, plus jamais. Parfaitement libre.
Et puis la vie, bienveillante, a repris son cours.
Du coup, faisant le lien avec tout ce qui précède, sachez que je suis sorti prendre des photos. Mais je suis juste descendu en bas de chez moi. J'ai fait des trucs sympas, et des trucs nuls. Sauf que ce qui était marrant, dans cette histoire c'est qu'une vieille folle (elle est aussi vieille que folle, et je ne dis pas ça pour m'acharner. Elle vit seule, a vraiment une sale gueule, et passe son temps à gueuler sur son chien et à critiquer tout ce qu'elle voit) était à son balcon et pestait parce que je prenais photos des arbres en fleurs. Mais bon, il faisait beau, et doux, et ensuite le livreur de sushis est arrivé. C'est la troisième fois, ce week-end, que je mange des sushis. J'abuse, mais je m'en tape. Je me suis rendu compte qu'on pouvait passer commande par internet (moins d'interaction sociale) et payer en tickets restau, et j'avais reçu, vendredi soir, un code promotionnel par sms alors que j'avais faim. Bravo. De fait, je me suis libéré de 75€ de tickets restau datant du mois dernier. Je ne m'en sers pas, sinon. Bref. J'ai bon espoir, avec tout le riz que j'ai bouffé récemment, que l'incompréhensible douleur que j'ai en bas du ventre finisse par disparaitre. Si ça se trouve, c'est ce boulot de malheur qui a fini par me filer un cancer. Du coup, je me suis dit dans ces conditions, quitte à mourir, autant que je le fasse en mangeant un truc bon (au goût). Je suis allé au MacGros ce soir, et je me suis fait plaisir (mais raisonnablement, en quantité). En rentrant, j'ai grillé un feu. A 21h, dans cette zone, il n'y a personne. Mais le feu est quand même rouge. Et je suis quand même discipliné. Mais je suis un crétin, il n'y a personne. J'ai attendu que le feu passe au vert, et suis arrivé à un autre feu. Je voulais manger, et je voulais ne plus être discipliné et con comme une table. Le tram, dont la trajectoire était parfaitement parallèle à la mienne, arrivait derrière moi. J'ai regardé le feu, puis le tram, puis le feu, toujours rouge, puis le tram. Quand le machin sur rail est arrivé à ma hauteur, et que j'ai donc eu l'assurance qu'aucune autre voiture n'allait surgir d'où que ce soit, j'ai dit "nique ta mère" au feu. Et je suis parti. Et j'ai roulé vite, en ville, et j'ai mangé salement alors que mon cancer des intestins me menace de me priver de boulot. Hahahahaha.
Ca fait pratiquement deux heures que j'écris. Je n'ai aucune idée de ce que ça donne et je ne compte pas me relire. Sachez juste, si vous devez retenir quelque chose, que je vais bien. Même si on ne dirait pas.
Prière de ne pas commenter mes écrits. D'avance merci. Bisous.