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8 avril 2015 3 08 /04 /avril /2015 16:37

(Jeudi 19 mars 2015)

 

Ma chère Sidonie, 

 

Je n'ai aucun espoir pour moi.

 

Je porte le hamburger à ma bouche, et plante mes dents dans le pain mou, puis dans la lamelle de viande grise qu'on a vendu comme étant un steak. Un excès de cette étrange sauce orange un peu sucrée dégouline hors du sandwich. Mon coeur palpite, je sens le gras de mes cuisses célébrer l'arrivée des renforts.

Ca fait des mois que mon corps me supplie tous les jours d'arrêter.

Quelques minutes auparavant, vautrée n'importe comment sur le canapé moche et inconfortable, j'étais encore un peu à son écoute. Pourtant, dans un élan en parfaite opposition, je me suis levée pour aller acheter une merde comestible. Et de la merde, on sait que c'en est. Mais "tant pis".

 

...

 

Parfois, je me laisse faire. Je laisse une idée se planter quelque part. Je n'y touche pas tout de suite: je sais très bien ce que je vais en faire sinon. Je fais autre chose, j'attends.

Un peu comme du lierre, elle pousse et grimpe, s'accrochant à ce qu'elle peut. Alors elle arrive devant mes yeux, et c'est là que ça commence à dérailler.

Je tourne autour, je la regarde. Son parfum n'est pas désagréable, c'est même souvent l'inverse. Mais je suis tordue, tu sais bien. Je me dis que l'aider à pousser, ou même la laisser grandir, ne changera rien, à rien. Ou pas grand chose, à pas grand chose. Alors autant laisser tomber. 

Et ça, laisser tomber, je sais bien faire. Mais pas pour tout.

 

Chère Sidonie, je n'ai aucun espoir pour moi. 

 

Mes yeux se perdent dans le vide.

Qu'est-ce que ça sentait déjà?

Je me souviens de l'endroit, de la pièce quasiment vide, des cartons de pizza par terre, de la grosse bouteille de Coca, et de la console branchée sur la petite télé. En rassemblant les morceaux du puzzle, le souvenir d'une odeur refait surface.

Mon regard revient au mur blanc devant moi. Mes yeux sont mouillés.

Vois-tu, tous les jours je me rappelle que le temps n'efface pas tout.

 

En plein milieu de nulle part, vraiment, alors que je suis vaguement occupée, un souvenir surgit subitement. Alors que tout est gris et fade, mon esprit s'illumine. Comme un feu d'artifice inattendu, dans un ciel continuellement sombre. Coloré, brillant, superbe. Un crépitement joyeux. Quelques secondes après, plus rien. La réalité. Une sourire triste se dessine discrètement sur mon visage.

 

Parfois, j'ai oublié, c'est vrai. Pas complètement, pas longtemps, mais c'est arrivé. C'est souvent là que, pour le meilleur et pour le pire, je reçois, involontairement ou pas, ma piqure de rappel.

Etait-ce sa bouille farfelue? La beauté de son sourire? Ses grands yeux vifs et espiègles? Le son de sa voix? Le choix de ses mots? Tout?

Qu'est-ce que ça peut faire... Au final, mon bien être venait valider ce qui m'apparaissait comme une évidence. Je ne sais pas si ce que je dis à un sens... 

 

...

 

J'entends le tic-tac de l'horloge. Je l'écoute. C'est son but, à cette horloge. Faire tic-tac. Pour que j'entende les secondes se succéder. Pour que je prenne conscience du temps qui passe. Mais non, je suis toujours à côté de la plaque.

 

Seconde après seconde, on s'en rapproche. J'ai le coeur serré, un noeud dans le ventre. Depuis des mois, des années maintenant, j'ai peur. Peur de cet instant. Le départ. Encore.

Ce moment arrive, lentement mais sûrement. Le moment où, après l'avoir une dernière fois regardé sourire et écouté rire, m'être abreuvé une dernière fois de ses paroles, on va se dire maladroitement "à je ne sais pas quand". S'en suivra un claquement de porte. C'en sera fini. Encore.

 

Sidonie, je n'ai absolument aucun espoir pour moi, mais j'en ai pour toi.

 

J'ai toujours été terrifiée et égoïste, et involontairement, j'ai fait beaucoup de mal aux personnes autour de moi; toi la première. Si c'était possible, j'effacerais de ta mémoire jusqu'à mon existence. Mais malheureusement, ce n'est pas le cas. Tout ce que j'espère alors, c'est qu'un jour tu me pardonneras.

 

Ton irrécupérable soeur, Constance.

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